120.000 FANS SOUS LE SOLEIL DE TORHOUT ET DE WERCHTER
Le rock de papy
est mort !
TORHOUT - Les éditions du
double festival de Torhout-Werch-
ter se suivent et ne se ressemblent
pas. L'année dernière, on assistait
dans un bain de boue au concert,
en tête d'affiche, de Bryan Adams,
un des triomphateurs du Top 50 de
92. hier à Werchter et samedi à
Torhout, c'est sous un soleil de
plomb et à travers un épais nuage
de poussière qu'un public, qui n'a
jamais été aussi jeune, a fait la fête
à des groupes jouant un rock dur,
frais, bruyant et, hormi peut-être
le cas Lenny Kravitz, concocté sans
aucune recette commerciale.
Dans un tel contexte, on regret-
tera d'emblée que le seul papy
présent au festival n'ait pas re-
cueilli le succès qu'il méritait. De-
vant une foule qui n'était pas ve-
nue pour lui (on comptait essen-
tiellement des fans de Metallica,
de Faith No More et de Lenny
Kravitz), Neil young accompagné
par Booker T and MG's a fait de
son mieux pour stigmatiser l'au-
dience. Son répertoire résolument
rythm and blues, truffé de ballades
et de classiques (le toujours majes-
tueux Like a hurricane) a certes été
écouté religieusement par les
60.000 personnes présentes à Tor-
hout mais n'a pas déclenché l'hys-
térie. Dommage.
Avant Neil Young et après The
Levellers qui ouvrait le bal alors
que les kids cherchaient encore
une place dans le pré à vaches de
Torhout, l'après-midi avait déjà
été riche en émotions.
A commencer par Sugar em-
mené par l'ancien leader de Hüs-
ker Dü, Bob Mould. Le trio a sans
doute livré la prestation la plus
homogène de la journée. Pas de
temps mort, pas de démonstra-
tions tape à l'oeil des musiciens, pas
d'inutiles prêchi-prêcha, juste du
rock efficace et détonant. en 45
minutes chrono, Sugar a démontré
que l'efficacité rimait souvent avec
simplicité et vitalité.
Des Canadiens de Tragically Hip,
on avait déjà retenu un concert
mémorable au Vooruit et un der-
nier album scintillant, Fully Com-

Neil Young a sorti le grand jeu pour séduire un public jeune - et privé d'alcool - qui n'était pas vraiment
venu pour lui.
pletely paru au début de cette
année. Sur la scène de Torhout,
Tragically Hip n'a pas réussi à re-
produire la châleur du show gan-
tois ni la magie de leur ultime
opus. La voix cristalline du chan-
teur Gordon Downie rappelle celle
de Michael Stipe, le leader de REM,
mais il lui manque encore l'aura de
ce dernier pour passer en division
supérieure.
Avec les allumés de Sonic Youth
on a frolé parfois le génie, frisé
souvent la folie et dépassé à plu-
sieurs reprises les frontières du
supportable. Sincèrement, on avait
pitié pour leurs guitares martelées,
malmenées et triturées dans tous
les sens. eh les mecs, elles ne vous
ont rien fait ces guitares ! Quand
ils se perdent dans de telles disto-
sions, les New-Yorkais dérangent.
Quand ils balancent en trois mi-
nutes un pop song qui vous glace
la sang et les sens, ils sont prodi-
gieux. Le hic, c'est que l'un ne va
jamais sans l'autre.

Lenny et ses guitares

Après l'underground de Sonic
Youth, le public a eu droit à un
plongeon dans les seventies avec
les Black Crowes. Leur leader
prend des poses à la Jagger, le
groupe semble faire une fixation
sur les Small Faces mais les jeunes
d'aujourd'hui adorent. Sur scène
ils se livrent sans concession et
n'ont qu'un seul défaut. Celui de
tirer trop long en longueur les mor-
ceaux qui perdent dès lors quelque
peu de leur spontanéité.
La musique de The final count-
down
qui balaie la plaine de Tor-
hout, des gugusses en bermuda et
à la peau bronzée qui débarquent
en courant sur la scène, et c'est
parti pour le plus joyeux cocktail
offert cette année par herman
Schuermans. Faith No More joue
tout et se joue de tout. Metal-
funk, rap, ballade (Easy emprunté
aux Commodores) et heavy vache-
ment heavy... Avec une telle fusion
des styles, ils ont fait exploser les
premiers rangs. Voyant que les
fans (nombreux si on en juge les
t-shirts qui portaient leur effigie)
pratiquaient le nouveau sport à la
mode (se faire catapulter par un
pote et se laisser ensuite tirer à
bouts de bras jusqu'au frontstage),
Mike Patton s'est jeté à plusieurs
reprises dans le foule au grand
désespoir des membres de la sécu-
rité.
Après Neil Young qui a calmé
quelque peu l'atmosphère, est
venu le tour de Lenny Kravitz.
Kravitz est adulé pas les adoles-
cents et rejeté par le critique qui
l'accuse d'avoir pillé le patrimoine
rock 'à noter que les Black Crowes
en font autant mais ils n'ont pas
droit aux même invective). A Tor-
hout, Lenny a eu de sérieux ennuis
avec ses guitares et son set en en a
souffert. Après deux ou trois
" fuck " lancé à l'adresse de son
roadie, il a patienté en se fendant
d'une long - et raté - solo de
batterie. Dommage, car la batterie
en question était tenue jusqu'alors
par une donzelle black épatante.
Plus Peace and Love que jamais,
Kravitz a récolté le premier rappel
de la journée (un énergique Are
you gonna go my way
et le très
woodstockien Let love rule).
Enfin, les aficionados de Metal-
lica qui avaient fait le sieste toute
la journée ont acceuilli dans un
vacarme d'enfer leurs idoles,
chantres du heavy/speed metal. Il
était temps de lever le camp...

Luc Lorfèvre


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